Il était évident qu’une destinée comme celle de Mandela ne pouvait qu’être adaptée sur grand écran. Il y a déjà eu quelques biopics partiels pour la TV (dont un interprété par Danny Glover avant sa libération), le récent « Invictus » de Clint Eastwood (avec Morgan Freeman qui prenait une tranche de vie « récente » comme angle d’attaque) ou encore le biopic sur sa femme Winnie Mandela dans lequel on voyait Mandela interprété par Terrence Howard. Mais jamais un film n’avait affronté frontalement la vie, surréaliste, d’un des plus grands hommes de l’Histoire moderne. Ce projet fût finalement confié (avec l’accord de Mandela himself qui adouba l’adaptation de sa propre autobiographie) à une production sud-africaine, qui confia finalement le scénario, l’interprétation et la réalisation à une équipe anglaise. Mais finalement un sujet si béni et un projet estampillé biopic officiel n’est-il pas un piège ? Difficile d’éviter l’hagiographie devant un tel parcours… En plus, hasard du calendrier, le film sort 2 semaines après la mort de Madiba… Le défi est de taille quand on s'attaque à une légende.
Le film fait le pari de livrer le parcours complet de Mandela, de son début de carrière en tant qu’avocat dans les années 50 à sa victoire à la présidentielle de 1994. Tout ça en 2h20. Et c’est bien le problème. Une vie comme celle de Mandela aurait surement mérité plusieurs films (peut-être comme l’a fait Soderbergh sur le biopic du « Che » en 2 parties). Mais ici le film veut tout traiter, de manière chronologique, et prend le risque de ne pas faire de choix. C’est peut-être son erreur. Les contraintes sont compréhensibles ; faire un biopic complet, accessible et qui réponde à une efficacité hollywoodienne. Ce n’est pas là qu’est le reproche, car c’est assumé. En revanche le fait de vouloir traiter tout mène à un affaiblissement de certaines lignes scénaristiques parfois trop succinctes, ou (pire) à un traitement en survol de certains faits historiques qui auraient mérité un focus plus important. C’est dommage car pour le reste ça reste très bien fait, avec une direction artistique soignée, des décors souvent réels (le film a été tourné en Afrique du Sud et même dans la vraie prison de Mandela) et une interprétation démentielle de la part d’Idris Elba qui trouve là enfin un rôle de premier plan.
Car le film réussit malgré tout son pari global en livrant un véritable concentré de la vie de Mandela, certains passages sont même passionnants tant ils mettent en exergue l’esprit d’abnégation dont a fait preuve Mandela tout au long de sa vie. Son refus de vengeance, sa pugnacité sont déconcertants mais montre l’intelligence diplomatique du bonhomme. Alors oui cela paraitra à certains un peu facile et consensuel, mais pouvait-on faire autrement à propos d’un des hommes les plus respectables et respectés du 20ème siècle ? Les quelques défauts mis en avant (un père et un mari absent) tentent de mettre un bémol sur sa personnalité, mais rien y fait, ce mec est trop parfait pour qu’on en dise quoique ce soit. Ça en devient même flippant.
Un film globalement réussi, parfois même passionnant, mais qui sur l’autel de l’efficacité du biopic Hollywoodien (et son quasi refus d’ellipses) sacrifie un peu la tenue de son récit, et donc sa puissance. Peut-être trop scolaire, le film aurait mérité une vision plus cinématographique qu’un récit linéaire. Toutefois c’est tellement bien mené, reconstitué, et le sujet tellement passionnant, qu’on est quand même happé du début à la fin par un Idris Elba habité par son rôle.
Film vu en VOST numérique, Pathé Boulogne
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