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27 septembre 2017 3 27 /09 /septembre /2017 01:00
Mother! - Analyse (SPOILERS) ⚠️

Je suis tellement triste de l’incompréhension assez générale à propos de « Mother! » et que certains le trainent injustement dans la boue (comme je l’avais prévu dans mon petit mot à la sortie de la salle). Ce film ne mérite pas ça, même si la promo (trop Blockbuster pour un film de ce genre) n’attire pas forcément un public fan de récit métaphorique. Car en effet, si on peut reprocher une chose à ce film, c’est bien de ne pas être lisible de manière « premier degré / réaliste » ; cette couche-là ne peux fonctionner que jusqu’au tiers du film peut-être. En revanche, je ne crois pas avoir vu un film aussi dense en terme de thèmes abordés, le récit se constituant de strates allégoriques qui se superposent, se font écho, et que chacun trouvera (ou pas) et analysera (ou pas) selon sa sensibilité personnelle les différents aspects du film.

 

Je tenais donc à mettre à l’écrit mes pistes de lectures du film que j’ai vu 2 fois maintenant. C’est personnel, non exhaustif, et je n’ai encore pas trop lu d’autres analyses pour préserver mon ressenti que je ressors à froid (2 semaines après les 2 séances).

 

// Attention ⚠️ SPOILERS en masse ⚠️ //

 

Allégorie biblique :

 

C’est pour moi la plus évidente, et de nombreux éléments le prouvent (je me suis rencardé entre les 2 séances, ne connaissant pas forcément tous les fondamentaux de la Bible...).

Dans cette lecture on comprend que la maison représente notre planète, que J. Lawrence joue le rôle de la Vie / la Nature / Gaïa qui s’occupe de créer un monde agréable, et J. Bardem joue le rôle de Dieu, « chef » de tout ça mais égocentrique et qui a besoin d’être aimé. L’arrivée du couple âgé (Harris/Pfeiffer) représente l’arrivée des humains (et donc des vices) dans la maison ; lui c’est Adam et elle c’est Eve. Indices : on voit que Adam arrive en premier, adule Dieu (et ignore bien la Nature), puis on voit une scène où Bardem cache la blessure au dos de ce personnage dans la salle de bain ; cela correspond à la cote retirée à Adam par Dieu pour créer la Femme. Arrive alors le personnage de Pfeiffer, qui n’est autre que Eve. Avec eux, s’invitent dans la maison Luxure, avarice, orgueil… Les 2 vont alors pénétrer dans le bureau (dont on leur avait interdit l’accès) et vont toucher au coeur de verre qui n’est autre que le fruit défendu qu’ils vont briser. La colère de Bardem/Dieu s’abat alors, et il les chasse du bureau (qui représente le Paradis) qu’il décide alors de murer.

Viennent alors les enfants du couple, qui se déchirent pour une question d’héritage (encore le vice…) et l’un va tuer l’autre ; ce sont Caïn et Abel, ce dernier étant assassiné par son propre frère. On voit déjà que ce petit groupe ne se préoccupe que peu du personnage de Lawrence/Nature, préférant se prosterner face à Bardem/Dieu. Puis petit à petit, Bardem/Dieu, dans un besoin sans limite d’amour et de reconnaissance, va accueillir dans la maison de nombreux humains qui vont l’aduler lui (et ignorer Lawrence/Nature) et commencer à lui vouer un culte. Tous les dogmes de la religion (quelle qu’elle soit) sont alors montrer du doigt: les écrits « sacrés » (dont Dieu accouche en même temps que la grossesse de sa femme), le signe d’appartenance (ici une marque de peinture), les prières… Bardem/Dieu est passif dans tout ça mais laisse faire. Comme il laisse faire le déni de l’existence et de l’importance de Lawrence/Nature qui va être mise de côté, les humains ne respectant plus rien (ils saccagent la maison) aveuglés par leur soif de foi envers un Bardem/Dieu qui lui a soif de reconnaissance, noyé dans son égocentrisme et son arrogance.

Arrivent alors toutes les dérives de notre Monde, catalysées par cette ferveur aveuglante ; guerres, traite d’esclave, condition de la femme bafouée (dans une séquence totalement folle et démente)… La folie religieuse (et donc sectaire) pousse les adeptes à tuer, et même manger, le fils du couple attendu comme le prophète. Littéralement manger sa chair. Jusqu’à la réponse de colère de la Vie/nature : l’Apocalypse…. Avant l’éternel recommencement. Car l’humain ne vit que dans ce cycle de destruction. Le message est clair ; Aronofsky règle ici ses comptes avec la Religion (surtout le Catholicisme) en dressant au passage un bilan pessimiste sur l'Humain qui voue un culte envers Dieu tout en méprisant la Vie/Nature.

 

La preuve la plus claire de cette allégorie religieuse est le générique de fin du film (allez voir sur IMDB ou ALLOCINE) : Bardem est crédité à « Him » avec une majuscule (normal en tant que Dieu) alors que les autres n’ont pas de majuscule et ne sont pas nommés (juste en "man" / "woman") comme pour rappeler la portée globale du film qui vise plus loin que les simples personnages présents à l’écran.

Mother! - Analyse (SPOILERS) ⚠️

Allégorie écologique :

 

Dans cette lecture, qui vient compléter la première, on voit que la J. Lawrence s’occupe de créer une maison belle, chaleureuse, vivante. Mais l’arrivée des Humains, aveuglés par leur culte pour Dieu, signe la destruction progressive du monde qu’elle a créé. Les humains saccagent tout, ne respectent rien, et utilisent les ressources jusqu’à l’épuisement (ils cassent littéralement tous les robinets de la maison - qui est une image, pour moi, de la destruction des ressources de notre planète). Le pire c’est que certains le font pour le culte de Dieu. Allez bim, la Religion en reprend un coup. Et l’Humain encore plus.

 

Allégorie féministe :

 

On peut voir tout au long du film à quelle point le statut de la Femme est mis de côté dans ce « Monde ». C’est elle qui fait tout à la maison, qui a tout créé, et pourtant c’est son mari qui est adulé et vu comme un héros. Lui ne réagit pas, il est lâche et laisse tout se faire saccager. Dans ce monde c’est à la Femme de garder la flamme du désir (cf la discussion face à la lingerie de Pfeiffer) et de bien cacher ce qui est sale. Car pour moi cette allégorie est aussi doublée par un questionnement sur le passage de l’enfance à l’âge sexuel ; le trou béant ensanglanté dans le parquet (en une forme qui peut rappeler la vulve) n’est pas sans rappeler l’arrivée des règles (et donc de la sexualité) pour la Femme. Troublée, elle se doit de le cacher, bah oui c’est sale… Le tapis vient cacher ça, elle n’en parle pas à son mari. En fait c’est aussi vu comme l’arrivée du Vice (pas étonnant que ça arrive dans la chambre des invités - Adam et Eve) et la fin de l’Innocence via le passage dans le monde adulte ; c’est grâce à ce trou ensanglanté qu’elle va trouver les armes pour se libérer - à la fin - de tout ça et déclencher l’Apocalypse (le sang la mène à la pièce cachée dans la Cave, où se trouve la chaudière).

Mother! - Analyse (SPOILERS) ⚠️

Allégorie de la Création :

 

Surement la trame la plus personnelle d’Aronofsky en tant qu’Artiste et Créateur. Ici, Bardem l’écrivain est en perte d’inspiration, et pour retrouver l’inspiration il a un besoin d’amour maladif ; d’abord de sa femme (qui ne lui suffit pas…) et ensuite de ses fans, qui à partir du moment où ils l’adulent, déclenchent chez lui l’inspiration de son chef d’oeuvre. Il se nourrit de l’amour des autres jusqu’à les étouffer, jusqu’à puiser jusqu’au bout l’Amour de ses proches. Il va ainsi user et abuser de l’Amour de sa muse, jusqu’à ce qu’elle ne l’aime plus (le coeur meurt alors, visuellement à l’image). Et après il recommence… avec une autre muse, comme un cycle infernal. Aronofsky montre ainsi des choses très personnelles, et semble évoquer des expériences passées avec ses ex-femmes (on sait que ces actrices principales sont souvent des muses pour lui - il a passé 10ans avec Rachel Weisz, puis est maintenant avec… Jennifer Lawrence) en montrant ce besoin de reconnaissance malsain et maladif d’un Créateur, qui va jusqu’à éclipser la grossesse de sa femme (quand elle lui annonce que le bébé a bougé, il la double en disant qu’il a fini son oeuvre, et ne parle même plus du bébé) alors qu’elle est représente la Création même ; celle de la vie.

 

Bref, voilà les fils que j’ai pu tirer pour lire les différentes strates de ce film dense et chargé. Si vous en avez d’autres, que vous avez lu de manière différente certaines choses, n’hésitez pas à en parler aussi. Je pense que ce film continue à vivre en chacun de ceux qui ont été touché par lui, et qu’on trouvera encore et encore à redire durant des années.

 

Certains diront que le film est abscons. D’autres au contraire diront qu’il est parfois lourdaud dans son allégorie. Mais, heureusement, beaucoup aussi ce sont retrouvés happés par le film ; personnellement, il m’a bouleversé comme peu de film jusque là. A une époque de films sans envergure, de suites de saga, de remakes, de zéro prise de risque… On ne peut donc pas reprocher à un film de venir bouger les lignes, nous faire sortir de notre zone de confort. « Mother ! » est un film qui n’aurait jamais dû exister dans le système Hollywoodien actuel, il est un bug du système ; rarement vu un pamphlet aussi âpre sur la religion, sur notre société, sur notre respect de l’environnement… et sur l’Humain en général.

 

Noir. Étouffant. Pessimiste.

 

Donc, au final, paradoxalement réaliste.

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